Maison de la Sirène

Notre Histoire

Située place du Marché, à l'angle de la rue Boudrie et dans le prolongement de la rue des Chapeliers, la Maison de la Sirène est la dernière maison à pans de bois du Moyen-âge à Avranches. Appelée également (et injustement) auberge des Trois Marchands ou enfin immeuble Chesnel, cet édifice exceptionnel témoigne de près de huit siècles d'histoire avranchinaise.

Les origines médiévales (XIIIe - XVe siècles)

En 1274, le marché d'Avranches est donné à l'Abbaye de La Lucerne par André de Malloué et Guillaume de Pellevilain, ce qui fut approuvé et confirmé par le roi Philippe III Le Hardi. Selon l'Abbé Lelégard, pour percevoir les droits de place, l'abbaye de la Lucerne dut construire "proche les Halles" une maison pour loger celui que nous appellerions de nos jours le placier. L'emplacement est possédé par les chanoines prémontrés de l'abbaye de La Lucerne-d'Outremer dès 1339 selon l'Inventaire des biens de l'abbaye rédigé en 1730. Ce lieu leur permet d'organiser le commerce sur la place, les revenus des halles et étaux alloués aux marchands leur ayant été donnés par Hasculphe de Subligny, un seigneur de l'Avranchin.

La construction de la maison actuelle

La maison dans sa forme actuelle date de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle. Une dendrochronologie initiée début 2025 a permis de dater l'ensemble de la charpente de 1450, soit juste après la guerre de Cent Ans. Cette datation précise confirme l'ancienneté exceptionnelle de l'édifice.

La période révolutionnaire et le XIXe siècle

Il semblerait qu'à la Révolution, la maison ait été vendue comme bien national. C'est à cette époque que les fenêtres du rez-de-chaussée, de style Directoire encore existantes, auraient été changées. La confusion avec l'Auberge des Trois Marchands (dont le premier témoignage se situe sur le recensement de 1881) concerne en réalité le bâtiment voisin, aujourd'hui connu comme le bar N°1. Vincent René Honoré Fontan, négociant en vin, possède la maison au début du 19ème siècle. Issu d'une famille relativement aisée, il y réside toute sa vie et y éduque ses trois filles après la mort de son épouse Louise Fontan née Pinot, à seulement 25 ans. Sa fille aînée, Louise Anne Honorée, épouse Hyppolite Emmanuel Lemaistre, receveur d'enregistrement et membre fondateur de la Société d'Archéologie d'Avranches.

Les menaces de destruction (1883-1970)

En 1883, la maison est cédée à la Ville d'Avranches alors qu'un plan d'alignement prévoit de la démolir ainsi que les autres maisons formant la partie ouest de la place, que la mairie souhaite voir agrandie. Pendant presque cent ans, plusieurs projets de destruction se succèdent sans toutefois aboutir pour des raisons locatives, financières, techniques ou administratives. Les aînés d'Avranches se souviennent des sœurs Chesnel, Marie et Germaine, lingères de profession, qui racommodaient les parapluies et repassaient les trousseaux. Elles ont vécu dans cette maison pendant la première moitié du 20ème siècle que leur mère, la veuve Virginie Chesnel, louait à la Ville.
« Ces deux photos d'une très ancienne maison de la Ville d'Avranches, située 13 rue Boudrie, à l'angle de la Place des Halles, ont pour but de perpétuer pour les générations futures, le souvenir du seul et très curieux spécimen que nous possédions d'une maison d'artisan ou de marchand du XVe ou du XVIe siècle. La Ville d'Avranches, dont elle est la propriété, vient d'en décider la destruction. »
— P. Bazire, Ouest France, décembre 1965

Le sauvetage et la renaissance

La maison sera définitivement sauvée de la destruction par l'abbé Marcel Lelégard en 1970, considérant sur le modèle de Dinard, la nécessité de sauver l'un des derniers témoignages architecturaux du Moyen Âge. Par arrêté du 7 décembre 1970, les façades sur rues et la toiture sont inscrites partiellement sur la liste complémentaire des monuments historiques. Désormais protégée par les Monuments historiques, la maison est achetée à la Ville d'Avranches par l'architecte Jean Le Berre en 1972. Ce rennais effectue les premiers travaux de rénovations (toiture et façade) et est également à l'origine de la construction de la lucarne sur le modèle de la lucarne à l'artichaut visible au Mont-Saint-Michel. À la suite du décès soudain de Jean Le Berre, les travaux de rénovation sont poursuivis par Bernard et Véronique Des Robert, qui y installent une maison de l'Artisanat de 1984 aux années 2000.

La renaissance contemporaine

La maison est transformée en café-concert par Cyril Carbonne et Louise Walspeck en 2023 et retrouve à cette occasion son nom de jeune fille : la Maison de la Sirène. L'édifice fait désormais l'objet d'un ambitieux plan de rénovation, en partenariat avec les services des monuments historiques, de l'UDAP et de la DRAC. Aujourd'hui, la Maison de la Sirène perpétue sa vocation d'accueil et de commerce, alliant respect du patrimoine historique et création artistique contemporaine. Elle demeure le dernier témoin architectural de l'Avranches médiévale, portant en ses murs près de six siècles d'histoire normande.